Nouveau guide ONUDC : Legal approaches to tackling bribery in sport
23 October 2023 - L’ONUDC, en partenariat avec l’IPACS et l’ONUDC, publie un nouveau guide mettant en exergue les bonnes pratiques et l’évolution de l’usage de la législation nationale en matière de prévention de la corruption dans le sport.
Les données ont été récoltées dans plus de 180 juridictions en utilisant l’outil TRACK (Tools and Resources for Anti-Corruption Knowledge) et permettent de comparer les avancés et les manquements des législations nationales en la matière.
En introduction, ce guide souligne l’accroissement du risque de corruption dans le secteur sportif dû notamment aux flux importants de monnaie transitant au niveau professionnel, à l’impact des nouvelles technologies sur les techniques de paris, au développement de l’e-sport et au développement d’un modèle hybride de gouvernance public-privé dans les instances sportives.
Ce risque de corruption dans le sport international est qualifié de nombreux, systémique, généralisé et touchant tant les dirigeants que les sportifs et les sponsors.
L’ONUDC distingue trois types principaux de corruption sportive :
La corruption liée à la manipulation de compétitions sportives,
La corruption liée à la dissimulation d’usage de substance prohibée dopante,
La corruption institutionnelle souvent liée à l’obtention et l’organisation des grandes manifestations sportives.
En premier lieu, le guide fait un état des lieux des types de législations utilisés au niveau national pour prévenir la corruption dans le sport.
En ce sens, sont distingués quatre types de législation :
Les législations portant spécifiquement sur les faits de corruption sportive - elles sont rares, seulement sept États parties en font preuve, dont la France avec son article 445-1-1 du Code pénal ;
Les législations intégrant une peine pour la corruption dans le secteur du sport - elles se distinguent des précédentes en ne prévoyant qu’une peine spécifique et non un texte distinct ;
Les législations prévoyant une prévention générale du risque de corruption qui couvre les faits de corruption sportive - par exemple la Finlande où les faits de paris sportifs illégaux sont poursuivis sous la qualification de corruption économique (dite bribery in business);
Les législations pénalisant les faits de corruption couvrant des faits de dopage et visant les professions médicales - ces législations sont essentiellement développées sur le continent africain où des professionnels du secteur médical peuvent être poursuivis notamment pour avoir falsifié des documents médicaux d’athlètes ou pour avoir participé à l’usage de produits dopants.
En second lieu, ce guide revient sur les bonnes pratiques de prévention de la corruption dans le sport.
D’une part dans le secteur public, il est mentionné le fait que les législations qualifient trop rarement les membres du mouvement sportif d’acteurs publics. En ce sens, trois approches sont mentionnées et notamment celle de qualification d’acteur privé en acteur public en raison des missions qui leur incombent (par exemple, les dirigeants d’instance sportive poursuivent souvent une mission de service public ou des fonctions s’apparentant à des fonctions publiques).
Cette intégration des acteurs du sport dans la définition des acteurs publics peut également se faire si des entreprises détenues par l’État - donc des entreprises publiques - sont impliquées dans le secteur sportif (construction d’infrastructures sportives), ou même si les organisations sportives nationales sont elles-mêmes qualifiées d’entreprises publiques (comme c’est le cas dans la législation russe).
Ces qualifications larges d’acteur public permettent alors de poursuivre des faits de corruption nés de l’offre de billet pour des compétitions sportives, ou encore de sponsoring ou d’investissement dans des clubs sportifs avec contrepartie. Elles permettraient également de pouvoir poursuivre ces faits sous des qualifications différentes (détournement de fonds publics, abus de fonction, etc.).
Le guide fait ressortir plusieurs bonnes pratiques à destination des États :
Incriminer les faits de corruption, tant passif qu’actif, des acteurs publics, des acteurs publics étrangers et des fonctionnaires des organisations internationales dans les contextes de compétition sportive ;
Qualifier d’acteurs publics tous les agents intervenants dans le domaine sportif (arbitres, juge-arbitres, et membre de l’administration et de la gestion des organisations sportives) ;
Appliquer les lois anticorruption à un champ large d’acteurs ayant des rôles ou des responsabilités liés au secteur sportif. À cet égard, le guide cite les législations macédoniennes et russes. Dans le cas de la Macédoine du Nord, l'approche adoptée a consisté à élaborer une description générique de ce qui constitue un agent public dans un cadre sportif, à savoir toute « personne autorisée à représenter des associations sportives et d'autres personnes morales dans le domaine du sport ». Dans le cas de la Fédération de Russie, l'approche adoptée a consisté à élaborer une législation qui spécifie une liste de personnes et de fonctions couvertes par la loi, notamment « les athlètes, les arbitres sportifs, les entraîneurs, les chefs d'équipe et les autres participants ou organisateurs de compétitions sportives professionnelles, ainsi que les organisateurs ou les membres du jury de compétitions commerciales spectaculaires » ;
Étendre les dispositions anti-corruption visant à l'origine les agents publics aux personnes physiques et morales privées dans le domaine du sport.
D’autre part dans le secteur privé, il est constaté que les acteurs du sport sont souvent qualifiés d’acteurs privés et peuvent donc relever de qualification de corruption privée, sous réserve que la responsabilité pénale des personnes morales puissent être engagées. Le guide met également en exergue le fait que certaines législations limitent la qualification d’acteur privé aux instances dirigeantes et excluent dès lors les employés, athlètes, entraîneurs et arbitres. En ce qui concerne le type de préjudice, il a été noté que dans un certain nombre d'exemples de législation anti-corruption, les formes de préjudice que cause l'acte de corruption sont spécifiquement définies et réduisent donc le champ d’application de l’infraction de corruption privée.
En analysant les dispositions législatives françaises, le guide souligne le fait que l’article 445-1-1 du Code pénal a une double nature. D'une part, cet article a un champ d'application large puisqu’il se réfère à tout « acteur d'une manifestation sportive ». D'autre part, son champ d'application est étroit car il exige une modification effective du déroulement normal et équitable de la manifestation sportive.
Le guide fait ressortir plusieurs bonnes pratiques à destination des États :
Incriminer les faits de corruption, tant passif qu’actif, des acteurs privés ;
Étendre l’application des incriminations de corruption privée aux employés des organisations sportives, aux athlètes, aux arbitres, aux juge-arbitres et aux arbitres ;
Étendre le champ d’application des incriminations aux événements sportifs comme le font les législations espagnoles et états-uniennes ;
Ne pas restreindre le champ d’application à des formes spéciales de préjudice comme le fait la législation française en exigeant une modification effective du déroulement normal et équitable de la manifestation sportive.
En troisième lieu, ce guide revient sur les sanctions à appliquer en matière de corruption sportive.
Il est rappelé qu’il est largement connu et accepté que c'est la probabilité perçue d'être détecté et puni, et non la sévérité des sanctions imposées, qui a l'impact le plus important sur le comportement des personnes impliquées dans des activités illicites. Les mesures disciplinaires jouent alors un rôle décisif dans la lutte contre la corruption, bien que des sanctions pénales doivent être appliquées aux actes de corruption les plus graves. Différents types de sanctions pénales peuvent être appliqués en cas de corruption : amendes, peines d'emprisonnement, confiscation du produit de l’infraction, suspension, exclusion, suppression ou autres limitations des droits.
Il est notamment mis en exergue les différentes méthodes nationales de calcul de l’amende ou encore l’importance de la limitation de droit dans la sanction. Ainsi, la législation espagnole prévoit comme peine la déchéance d'obtenir des subventions et des aides publiques, de passer des contrats avec des organismes, des agences ou des entités faisant partie du secteur public, et de bénéficier d'incitations ou d'avantages fiscaux et de sécurité sociale.
Enfin, le guide mentionne l’importance des dispositifs de signalement des faits de corruption sportive et celle de la protection des lanceurs d’alerte. À cet égard, il est rappelé les principes publiés dans le guide co-rédigé par le CIO et l’ONUDC dénommé « A practical guide for development and implementation ».